samedi 16 janvier 2016

Gaspard de la nuit 3



Lettres III 
d'Aloysius Bertrans à David d'Angers

Hôpital Necker, 27 mars 1841.

Mon cher ami,

          J’ai été profondément étonné et affligé d’apprendre que vous étiez malade et alité lorsque je vous croyais occupé à vos beaux moules dans votre atelier, d’après quelques mots que m’avait dits ma mère. Eh ! comment ne seriez vous point malade ! Votre amitié profonde et ardente s’est consumée du matin au soir en démarches sans nombre, depuis quinze jours, pour un pauvre barbouilleur de papier que ses visions chagrines et son orgueil sauvage et insociable gîtent au lit de Gilbert, qui était, lui parfois, un admirable poète ! – C’est à moi que vous devez vos souffrances ; à nul autre ! ô mon bienfaiteur, vous m’êtes trop dévoué ! Vous me prouvez trop votre intérêt ! Vous m’accablez d’une dette qu’une longue vie ne pourra jamais acquitter, et j’ai peut-être si peu de jours devant moi ! Si du moins je pouvais vous serrer la main, et joindre mes sollicitudes à celles de votre famille ! Ce qui me tranquillise, c’est de savoir que les soins vous sont prodigués. Puissent mes vœux hâter votre complète guérison ! Me voilà sous l’influence d’un nouveau traitement : je subis en ce moment le lourd supplice de l’empoisonnement par l’opium, la tête me tombe des épaules, les oreilles me sifflent, la fièvre me dévore, et quand vous aurez lu ma lettre, vous saurez mieux que moi ce que j’ai mis. (Excusez les fautes d’orthographe dans cette lettre comme dans les précédentes). Je suis frappé de quasi imbécillité, et demain, si la potion de cette nuit est la suite de celle d’hier soir, je serai tout à fait imbécile. Je me soumets à tout. M. Bricheteau a l’air de mieux augurer de ce second traitement. Les traitements héroïques ne sont pas heureux sur moi.

          J’ajourne tout ce que j’aurais à vous dire concernant la proposition d’une maison de santé. Je suis trop faible pour vous transmettre par la plume mes nombreuses observations. Il faut d’abord, je crois, laisser le médecin épuiser sur moi toutes les ressources de la science. Je remettrai ensuite mon corps entre vos mains.

          Je vous serre, comme je vous aime, contre ce cœur tout plein de tendres et profonds sentiments pour vous.
L. BERTRAND


Violette W-R le 16 janvier de l'an 2016

3 commentaires:

  1. Hello Sweet Lady from far away .
    On peut trouver dans ce texte ,humour et compassion et
    apres tout pourquoi pas ? seul le rapprochement serra l'essentiel ,
    Merci Violette ..
    Bon Week-end douce amie lointaine ..
    Amitie des US.
    Biz de loin .

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Nicole. Ce livre me fut offert par un ami en 1983 et ce n'est que maintenant que mon attention s'y porte vraiment.
      Gros bisous

      Supprimer
  2. et il y a de la tendresse dans cette lettre

    RépondreSupprimer